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Overwatch 2 : la folle ambition cinématographique d’une stratégie commerciale

7 juin 2020

Avant de lire cet article, il est conseillé de visionner le court-métrage dont il est question. Regarder le film.

Overwatch, kézako ?

Overwatch est un jeu vidéo multijoueur dans lequel s’affrontent deux équipes afin d’accomplir différents objectifs, tels que le déplacement d’un véhicule d’un point A à un B ou la défense d’une zone précise sur une carte. Les joueurs incarnent différents héros issus de l’univers fraichement créé par Blizzard Entertainment, la société productrice d’Overwatch. Si le jeu en lui-même ne comporte que peu d’histoire, Blizzard eu l’idée folle de créer un énorme « background » de son jeu au travers de plusieurs courts-métrages disponibles gratuitement sur Youtube. Alors que veut dire « Background » dans l’univers vidéoludique ? Il faut comprendre par ce terme, univers scénaristique, c’est-à-dire, l’histoire des personnages que nous jouons et l’univers dans lequel ils évoluent. Ainsi, il n’est pas nécessaire de posséder le jeu pour apprécier ces divers courts-métrages. Ces derniers, très audacieux dans leur forme particulièrement cinématographique, remporterons un vif succès et participerons indéniablement au succès du jeu en question.

 

Une suite ? Il était temps !

Le 1er novembre 2019, Blizzard annonce la suite de son jeu tant attendu par le biais d’un nouveau court-métrage. Les équipes créatives de chez Blizzard réalisent un nouveau film d’une maitrise presque incomparable dans le milieu vidéoludique. Là où cela devient intéressant, c’est que Blizzard a fait le choix de donner accès aux diverses cartes et certains modes de jeux aux joueurs du premier opus, sans que ces derniers n’aient à passer à la caisse, afin de ne pas séparer la communauté de joueurs. Les gamers de l’opus précèdent pourront donc affronter les joueurs du nouvel opus. L’ancien jeu pourra donc interagir avec le jeu futur. Cette information est très importante dans l’analyse qui va suivre. Nous allons analyser ce dernier en proposant une réflexion autour du mélange d’une volonté de vendre le nouveau jeu et une mise en scène du nouveau court-métrage particulièrement maline.

 

Une grosse publicité ou de réelles ambitions cinématographiques ?

Est-il possible de faire une grosse publicité d’un jeu vidéo déguisé avec un emballage cinématographique ? Ou est-ce que les courts-métrages d’Overwatch sont des petits films à part entière, avec une ambition, des idées de mises en scènes ? C’est ce que nous allons voir à présent par une petite analyse !

 

Winston, le moteur du récit

La mise en scène de ce nouveau court-métrage débute par quatre plans sur des sièges. Ces derniers, désormais vides, furent occupés par les personnages du premier opus avant la dissolution du groupe. L’attention du spectateur est de ce fait portée sur les premiers personnages ayant composés l’équipe d’Overwatch. Puis vient un insert très important, celui de la photo de l’ancienne équipe d’Overwatch entre les mains de l’un de ses plus anciens membres, Winston.

Ce dernier est toujours actif dans l’équipe malgré l’étiolement de son groupe. Auparavant au nombre de huit, l’équipe Overwatch n’est à présent composée que de trois membres. La caractérisation de Winston est simple, il demeure nostalgique d’une époque révolue et s’accroche à son passé, celui dans lequel il combattait avec son ancienne équipe. Ce dernier, incapable de lâcher ce souvenir, continue d’œuvrer dans Overwatch. Il s’adresse, par ailleurs, à la photo de son ancienne équipe, avec des propos évocateurs de sa psyché* : « Si vous comptez revenir, c’est maintenant ou jamais !». Il s’adresse autant à ses anciens compagnons qu’à son précieux passé. La mission de cette nouvelle histoire peut enfin démarrer.

Overwatch doit aider la ville de Paris en proie à un nouvel ennemie, le secteur zéro, une armée robotique. Si l’ennemi peut sembler classique, il revêt ici toute son importance : il représente l’évolution, l’avenir, par sa représentation de l’avancée technologique. Winston va donc de ce fait, affronter l’avenir alors qu’il est prisonnier de son passé. La difficulté est colossale, à l’image de la taille du principal protagoniste. Le combat s’engage et l’équipe est rapidement en difficulté. Le vaisseau de l’équipe est détruit. Ce dernier rattachait bien évidemment Winston à son glorieux passé. Symboliquement, c’est la vie passée, l’ancienne équipe qui explose. Suite à cette explosion, l’un des membres de l’équipe (Mei) se trouve blessée. Dès lors, le mise en scène propose un jeu de regard passionnant. Un nouveau plan représente la photo de l’ancienne équipe qui se consume sous le regard de Winston. Comprenant que son ancienne équipe n’est qu’un souvenir, il décide d’agir seul. Jusque-là, son mot d’ordre était de « rester ensemble ». Winston prend ainsi la décision de retenir les assaillants pendant que le reste de son équipe évacue les civils.

 

Passé et présent

La suite de la scène insuffle une nouvelle idée de mise en scène. Le gros plan de la main de Winston saisissant son arme renvoi à la propre situation de Winston : il se prend en main afin de faire face à son présent, laissant son passé derrière lui. Les mouvements des personnages corrèlent parfaitement cette idée : l’ancienne équipe part et regarde en arrière, Winston se dirige et regarde droit devant lui. On note également un mouvement très similaire entre Winston et l’antagoniste principal, amenant l’idée que Winston s’aligne avec le présent. Le gros plan de Winston qui suit et son regard face caméra prolongent cette idée. Alors que ce dernier semble se sacrifier, Genji, un membre de l’ancienne équipe s’immisce dans le combat et renvoie les attaques de l’antagoniste principale. Le passé et l’avenir interagissent de ce fait ensemble, se renvoient les coups. Le plan montrant Genji regardant en arrière fait écho à la scène précédente. Maintenant que Winston regarde le présent droit devant lui, son passé le regarde en face à son tour. L’arrivé de trois autres membres amène enfin la véritable stratégie commerciale de ce court-métrage.

Que cherche à vendre ce court-métrage ?

Composé d’un personnage de l’ancienne équipe (Reinhardt), d’un personnage arrivé bien après le lancement du jeu (Brigitte) et d’un tout nouveau personnage (Echo), l’affrontement entre cette équipe reconstituée et la section zéro va amener de nouvelles idées de mise en scène. Le court-métrage représente un conflit entre passé et l’avenir, une séparation que nous retrouvons beaucoup dans la mise en scène d’ailleurs : durant le combat nous apercevons vaisseau, un robot et une main coupés/séparés en deux. On peut aisément faire le parallèle avec l’opus passé (Overwatch 1) et le futur opus Overwatch 2. On arrive donc ici au message commercial de Blizzard qui est au contraire, de ne pas diviser les communautés mais de les faire interagir ensemble. Cette stratégie se retrouve très vite dans la suite de la mise en scène : face au rayon laser de l’antagoniste principal, Reinhardt et Brigitte fusionnent ensemble leurs boucliers afin de contrer l’attaque. Nous avons de ce fait non plus une séparation mais une fusion, un assemblement.

Pour conclure dans cette analyse et cette idée de fusion entre passé et avenir, la fin du film en est parfaitement représentatif. Winston prend la photo de son ancienne équipe (symbolisant son passé) et la met face à sa nouvelle équipe (son avenir). Les deux représentations de l’équipe se superposent et ne sont plus séparées. Les joueurs ne le seront pas non plus !

Ce court-métrage est passionnant par sa mise en scène en adéquation totale avec la stratégie commerciale de Blizzard et par son ambition cinématographique. Je ne peux que vous conseiller si ce dernier vous a plu, de regarder les autres court-métrages tirés de cet univers, qui ont le même soin accordé à la mise en scène et la même audace : celle de corréler ambition cinématographique et forme de publicité.

 

Cet article n’est sponsorisé d’aucune manière mais résulte du goût vidéoludique et cinématographique de l’auteur.

 

Julien Bervas

 

*Psyché : Psychologie du personnage, ses pensées, sentiments et interrogations.